La Formation en Situation de Travail comme levier de la Qualité de Vie au travail dans l’IAE

Publié le 20 décembre 2021
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Formation

Ce dossier présente une partie des travaux en cours élaborés dans le cadre d’un projet portant sur la qualité de vie au travail comme levier pour agir sur l’attractivité des postes d’encadrement et la qualité des parcours d’insertion au sein des Entreprises Sociales Apprenantes. L’un des axes de ce projet vise à explorer la mise en œuvre de la formation en situation de travail (FEST) dans l’objectif de donner du sens au travail et de faire évoluer les organisations. Il donnera lieu à un guide publié par le réseau CHANTIER école au printemps 2022, à partir de monographies de structures ayant mis en place des actions de formation en situation de travail et leurs conséquences sur la Qualité de Vie au Travail (QVT). Ce projet est porté par le réseau CHANTIER école et mis en œuvre avec ses associations régionales. Il est cofinancé par l’ANACT, Chorum, Uniformation, CHANTIER école et, particulièrement sur cette action, par des ressources mobilisées par les associations régionales CHANTIER école Grand-Est et CHANTIER école Île-de-France. Cette dernière compte sur l’appui du FSE et, à travers le GRAFIE, sur le soutien financier de l’État, pour travailler à développer la qualité de l'emploi et le dialogue social.

Dans un contexte de prise de conscience grandissante sur le besoin de s’approprier les outils de la qualité de vie au travail dans l’Economie sociale et solidaire et dans l’IAE en particulier, cet article vise à mieux en cerner les contours et faire le lien avec les enjeux de la formation en situation de travail.

 

Qu’est-ce que la Qualité de Vie au Travail ?

 

La Qualité de Vie au Travail est une démarche visant l’amélioration combinée des conditions de travail, de la qualité de service et de la performance des organisations 

En juin 2013, l’Accord National Interprofessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (ANI) a précisé que « la qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises » (...) « La notion de qualité de vie au travail renvoie à des éléments multiples, relatifs en partie à chacun des salariés mais également étroitement liés à des éléments objectifs qui structurent l’entreprise. Elle peut se concevoir comme un sentiment de bien - être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué. Ainsi conçue, la qualité de vie au travail désigne et regroupe les dispositions récurrentes abordant notamment les modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail permettant de concilier les modalités de l’amélioration des conditions de travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise. » (...) « Sa définition, sa conduite et son évaluation sont des enjeux qui doivent être placés au cœur du développement du dialogue social. Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ». 

Les conditions d’emploi et de travail, le contenu du travail et la capacité de chacun de s’exprimer et agir pour améliorer son travail sont les trois facteurs concourant à la Qualité de vie au travail. Ils contribuent à la perception que chacun se fait de la QVT.

Les conditions d’emploi et de travail font référence aux aspects matériels : espace de travail, équipements, transports, contrat de travail par exemple.

Le contenu du travail fait référence fait référence aux rythmes, au sens que l’on peut donner à ses missions, au sentiment que ses compétences sont employées à bon escient. 

La capacité d’action et d’expression a trait à la notion de lien et de relations avec les collègues et la hiérarchie : discussions possibles sur le travail et sa qualité, travail en équipe, soutien managérial par exemple.

Dès lors, il est possible d’identifier six champs d’action sur lesquels travailler afin de faire évoluer la qualité de vie au travail : 

  • le management participatif,
  • les relations au travail,
  • le contenu et l’organisation du travail,
  • la santé et les conditions de travail
  • l’égalité professionnelle,
  • les compétences et les parcours.

Ce sont autant de domaines sur lesquels agir pour progresser en matière de QVT. Le réseau ANACT-ARACT les qualifie de « six pétales de la QVT ».

Détaillons ce que peuvent recouvrir chacun de ces pétales :

  • Le management participatif : la connaissance du projet stratégique de la structure, la clarté des rôles, la diffusion des procédures, la possibilité de discuter du travail, l’organisation des absences des membres de l’équipe, la participation aux projets de changement, la transparence des rémunérations…
  • Les relations au travail et le climat social : organisation de réunions internes, organisation d’événements conviviaux, qualité des temps et lieux de pause, rôle des instances...
  • Le contenu du travail : l’autonomie pour agir sur son travail, les moyens pour réaliser le travail, la clarté des consignes, la répartition de la charge de travail etc.
  • La santé au travail : prise en compte de la santé dans l’activité, entretiens de retour après une absence longue, l'environnement des postes de travail, la mesure des risques professionnels et psychosociaux, optimisation des déplacements professionnels…
  • L'égalité professionnelle pour tous : l'équilibre vie privée / vie professionnelle, l'équité dans le traitement des équipes, l'égalité professionnelle femmes/hommes, aménagement des horaires, pyramide des âges, prise en compte du handicap, 
  • Les compétences et parcours professionnels : les entretiens individuels, le parcours d'intégration, l'employabilité, l'accès aux dispositifs de formation, la gestion des compétences…

Notons que la démarche QVT se veut une démarche plus globale qu’un plan d’action de prévention des risques psychosociaux. 

La notion de risques psychosociaux (RPS) désigne en France « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » . Derrière ce terme, on désigne, a minima, le stress au travail, l’épuisement professionnel ainsi que les violences internes et externes rencontrées par les travailleurs. La causalité plurifactorielle des RPS exige d’investiguer les dimensions sociales, relationnelles et organisationnelles du travail, en accordant toute sa place à la dimension subjective du rapport au travail (la question du sens, les valeurs, les émotions en lien à l’activité et à son contexte), à des fins de prévention. 

Plus proche d’une démarche d’amélioration continue, la démarche QVT vise, quant à elle, à faire intégrer  le sujet de la qualité de vie au travail dans toutes les décisions d’organisation de la structure. Elle permet aussi d’aborder les conditions de travail par la question de la qualité du service rendu, la qualité du travail. Ceci part du postulat des cliniciens du travail qu’il n’y a pas de bien-être au travail sans travail bien fait. 

Le sujet de la prévention des risques professionnels et des RPS en particulier, n’est pas évacué pour autant. Il est un des aspects de la démarche QVT, mais cette fois-ci replacé dans un cadre plus large. Au-delà des acteurs de la prévention, ce sont tous les membres d’une organisation qui peuvent être concernés.

L’approche QVT conduit à travailler sur les questions concrètes du travail. Sans exclure des questions d’aménagement secondaire de la vie au travail (ex. conciergerie, aménagement d’espaces de convivialité, etc.), les démarches QVT visent d’abord et essentiellement à intervenir sur les questions d’organisation, en s’appuyant sur la participation. Les démarches QVT impliquent aussi un dialogue social soutenu pour conduire les actions.

 

Quels liens faire entre les QVT et la formation en situation de travail ?

 

La FEST devient une nouvelle modalité pédagogique de formation contenue dans la Loi “pour la liberté de Choisir son avenir professionnel” du 5 Septembre 2018. Elle vient s’ajouter aux modalités de formation déjà existantes dans les articles L6313-1 et L6313-2 du Code du travail.

Une AFEST (action de formation en situation de travail) se compose de deux séquences pédagogiques :

  • Une mise en situation du salarié pour lui permettre d’acquérir des compétences en situation de travail,
  • Une phase réflexive qui permet au salarié de conscientiser les compétences acquises et les problématiques rencontrées et se projeter dans les solutions.

Les deux phases sont complémentaires et peuvent être répétées jusqu'à l'acquisition des compétences visées.

Les caractéristiques de l’AFEST et ses étapes (analyse des situations de travail, aménagement des situations à des fins pédagogiques, séquences réflexives etc.) amènent en principe à mettre à jour les conditions de réussite et les critères de performance de l’activité, les ressources nécessaires à leur atteinte, les arbitrages à opérer en situation, donc à discuter du travail et des conditions de sa réalisation, y compris du point de vue de la préservation de la santé et de la sécurité.

Cette modalité de formation peut alimenter le dialogue professionnel sur le travail : l’analyse du travail, préalable indispensable à la mise en place d’AFEST, mais aussi la séquence réflexive peuvent constituer de  puissants leviers d’échanges entre professionnelles,  en créant des espaces de discussion sur le travail, impliquant les salariés permanents eux-mêmes dans la définition de leur propre travail opérationnel et ainsi potentiellement contribuer à faire évoluer l’organisation, le management, les relations au sein des collectifs, dans le sens d’un travail de qualité et de meilleures conditions de travail.

Reprenons un à un les pétales de la QVT du réseau ANACT-ARACT et tirons les liens potentiels entre QVT et FEST dans les ACI. Pour cinq d’entre eux, les liens sont particulièrement forts. 

  • Le management participatif : le formateur est souvent Encadrant technique d’Insertion, et donc manager du salarié en parcours d’insertion. Or la séquence réflexive amène à discuter et interroger le travail et les consignes. La montée en compétence peut apporter de la clarté sur les rôles de chacun et les procédures. 
  • les relations au travail et le climat social : les relations de travail sont nécessairement impactées par l’introduction de nouvelles missions dans la structure pour les différentes parties prenantes (hiérarchie, formateurs, salariés en parcours…) 
  • Le contenu du travail : la montée en compétences favorise l’autonomie pour agir sur son travail. En amont l’organisation des séquences pédagogiques amène une réflexion sur la clarté des consignes et la répartition des missions. Les situations de travail peuvent être modifiées, restructurées, aménagées de manière durable afin de répondre aux besoins de formation.
  • La santé au travail : l’analyse de l’activité peut amener à prendre en compte la santé dans l’activité, et à interroger l'environnement des postes de travail. A travers le dialogue et l’analyse la formation contribue à la mesure des risques professionnels et psychosociaux
  • Les compétences et parcours professionnels : de façon très évidente, la formation contribue au développement des compétences et s’inscrit dans une logique d’individualisation des parcours. 

Ainsi, la QVT et la FEST, étant donné qu’elles prennent toutes deux leurs racines dans l’analyse du travail réel, sont intimement liées. Cependant, cette proximité ne suffit pas, en elle-même, à faire de la FEST un levier d’amélioration de la qualité de vie au travail. Encore faut-il qu’au-delà des temps dédiés à la formation, les points d’amélioration soient discutés et traités, qu’ils soient, d’une manière ou d’une autre, intégrés à la stratégie et au fonctionnement de la structure, et qu’ils soient source d’inspiration pour faire émerger des solutions concrètes à des problèmes vécus.